Compte-rendu du Débat du 25 novembre 2008 sur le "rôle du Parlement et son difficile renouvellement"

Publié le par Edwige Langevin

L’Association « Tou(te)s Président (e) s ! » organisait le 25 novembre dernier un débat sur le rôle du Parlement et son difficile renouvellement, afin d’en savoir plus sur le fonctionnement et la composition des deux assemblées. Pour mieux comprendre les blocages du système représentatif français et les moyens de les combattre.

 

Après avoir présenté l’association et l’équipe d’animation (Maxime Ruszniewski, Secrétaire et Anne Wuillèmme, trésorière), Edwige Langevin (Présidente) a tenu à présenter les excuses des parlementaires Sandrine Mazetier (Députée de Paris XIIème) et Nathalie Goulet (Sénatrice de l’Orne), absentes pour cause de conseil national avancé et de permanence budgétaire.

 

Maxime Ruszniewski introduit ensuite le débat en rappelant l’âge moyen avancé des parlementaires (57 ans), la sous - représentation féminine (18%) et le manque de diversité (en Métropole, une seule députée non blanche a été élue en 2007). Y a-t- il un espoir de changement ? Le cumul des mandats est-il si répandu? Quels sont les garanties et les outils offerts aux citoyens par la dernière réforme constitutionnelle ?

 

Marion Paoletti, représentante de l’Observatoire des Cumulants de la République et Olivier Rozenberg, chercheur au Cevipof, ont éclairé le public présent de leurs connaissances sur le problème du cumul des mandats et l’impact de la dernière réforme constitutionnelle sur le fonctionnement du Parlement.

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I Le cumul des mandats ou la surreprésentation des collectivités territoriales au Parlement.

 

Tout d’abord, Marion Paoletti souligne la contradiction entre le sentiment partagé par une large partie de l’opinion de refus du cumul des mandats et la réalité qui conduit à la réélection de candidats cumulants dans le temps (plusieurs mandats à la suite) et/ou dans l’espace (plusieurs mandats au même moment).

 

Autrefois membre d’un collectif pour le Mandat Unique (avec Marie-Christine Blandin et Olivier Duhamel) et aujourd’hui animatrice de l’Observatoire des Cumulants de la République (www.obscure.fr), Marion Paoletti s’interroge sur la manière de rendre active cette mobilisation molle.

 

Cela passe par la diffusion large de chiffres symboliques : seulement 13,1% des représentants de l’Assemblée Nationale n’ont pas d’autre mandat (10% pour la mandature précédente). A contrario, 86,9% des députés cumulent avec un autre mandat.

 

Or, ces élus cumulant en majorité avec un manda local,  font cohabiter ou généralement prévaloir leurs intérêts locaux par rapport à l’intérêt national. Ce cumul pose alors problème pour la défense d’un intérêt national supérieur aux autres préoccupations car dans les faits les parlementaires défendent leurs collectivités avant toute chose. Et la répartition des rôles entre les deux assemblées (l’Assemblée Nationale,  représentante de l’intérêt national et le Sénat,  représentant des Collectivités Territoriales) est déséquilibrée aux profits des Collectivités.

 

2 lois ont tenté de limiter le cumul des mandats :

. loi de 85 ;

. loi de 2000 très lacunaire qui ne vise pas les structures intercommunales (EPCI, pays…) qui ont pourtant de très gros budgets, ni les 34000 communes de moins de 3600 habitants.

 

Et la loi de la même année sur la parité n’a pas apporté d’amélioration puisque 16% des femmes ne cumulent pas avec un autre mandat.

 

De même, les députés qui cumulent dans l’espace et dans le temps bénéficient en plus d’une addition d’indemnités pour des fonctions qui sont accomplies de manière partielle.

 

Et la réforme de 2008 n’a visé qu’un seul cumul : celui du mandat du président de la République qui ne peut désormais faire que deux mandats. Or la Commission Balladur avait dénoncé le cumul « Ministre + Président de collectivité ». Ce qui n’a pas empêché 21 ministres de se présenter et faire campagne lors des dernières élections municipales.

 

Marion Paoletti a relevé une argumentation solide pour le cumul si on constate la prime faite au sortant par les partis politiques puis par les électeurs (qui n’ont malheureusement pas le choix) conduisant ainsi aux responsabilités toujours le même élu : de sexe masculin, d’origine gauloise et d’un milieu aisé.

 

Et en cumulant dans le temps, les élus se professionnalisent et éprouvent de grandes difficultés à quitter le pouvoir. Or, cette professionnalisation de la politique n’était pas le but souhaité au début du XXème siècle car il s’agissait d’accompagner la démocratisation de la politique en l’arrachant aux seuls notables et en la confiant aux ouvriers. Si elle a permis le meilleur en permettant la formation aux affaires de la cité, elle a conduit au pire en  amenant certains à consacrer leurs vies entières au pouvoir.

 

Face à la mobilisation molle, les  associations d’élus sont très combatives : « la décentralisation est faite par les élus locaux, pour les élus locaux » Patrick Devedjian. C’est pourquoi le département reste au centre des collectivités locales. Or l’Assemblée Nationale devrait représenter l’intérêt national ou éventuellement légiférer sur les collectivités territoriales.

 

Enfin, on constate une véritable désinformation relative aux cumulants et  à gauche comme à droite : si le thème du non cumul est souvent repris à gauche dans les programmes, il n’est pas appliqué dans les faits ; à droite, si les élus cumulent tout autant voire plus, les prises de position contre le cumul des mandats sont rares au sein de l’UMP. C’est pourquoi cette question est peu, voire pas abordée.

 

II Les conséquences de la réforme constitutionnelle des institutions pour la démocratie.

 

Suite à l’exposé de Marion Paoletti sur le cumul des mandats, Olivier Rozenberg nous renseigne sur l’impact de la dernière en révision constitutionnelle.

 

Il tient d’abord à revenir sur l’agitation médiatique autour de l’entrée du Président de la République dans l’hémicycle. Or cette question apparaît accessoire au regard des autres dispositions beaucoup plus importantes pour la démocratie :

- le texte en séance sera la version amendée par la Commission chargée de l’examiner. Ce qui n’était pas le cas avant et qui donnera plus de poids au Parlement ;

- la conférence des Présidents pourra décider de la moitié de l’ordre du jour ;

- une semaine d’activité sur quatre sera consacrée au contrôle ;

- le nombre de commissions permanentes passera de 6 à 8 ;

- possibilité d’émettre des résolutions ;

- le Parlement devrait informer de l’envoi des troupes ;

- possibilité de nomination présidentielle : pour que le Parlement s’oppose, il faut que les 3/5 des commissions s’opposent à la nomination ;

- possibilité pour les Ministres de redevenir Parlementaire s’il était au moment de leur nomination : permet au Président de changer de gouvernement facilement ;

- limitation de l’utilisation de l’article 49-3 ;

- possibilité pour le citoyen de saisir le conseil constitutionnel par les citoyens va surtout poser problèmes au gouvernement et au Président ;

- le référendum d’initiative populaire : problème des millions de signataires requis. Si cette condition est remplie et si 10% des Parlementaires le soutiennent, ce référendum est un  possible moyen de pression des citoyens ;

- parité sociale (pour les conseils d’administrations et les entreprises) ;

- possible évitement du référendum relatif à l’élargissement de l’Union Européenne.

 

Plusieurs points essentiels n’ont pas été évoqués par cette réforme :

- la question du cumul des mandats ;

- la condamnation de l’absentéisme parlementaire (comme au Parlement européen);

- une réforme du Sénat ;

- les Droits de l’opposition : pour exemple, l’opposition peut décider de l’ordre du jour d’une séance par mois (un vrai statut de l’opposition aurait été nécessaire avec par exemple la présidence des commissions).

 

III Questions de la salle :

 

- Annie Sugier  ajoute que le comité économique et social a été ouvert aux associations et aux organisations syndicales.

- Anne Wuillèmme : le cumul n’est- il pas lié à la difficile reconversion des députés non fonctionnaires ?

Ø il n’existe effectivement pas d’ANPE pour les parlementaires.

- Robert Descloitres : explique l’aspect humain de la conquête du pouvoir.

Ø s’il est humain pour un élu de vouloir continuer à assumer une fonction prestigieuse et qui donne un certain statut, il n’est pas bénéfique pour la démocratie que le pouvoir soit confisqué au profit d’une seule partie de la population, sans aucun renouvellement ni  transmission.

- Quid de l’effectivité et l’intérêt du référendum populaire ?

Ø si les conditions sont comprises par un grand nombre de citoyens puis remplies, ce référendum est un  possible moyen de pression des citoyens ;

- Thomas Monbahut : importance du cumul du mandat local pour que le député soit plus conscient des préoccupations et problèmes des concitoyens qui l’entourent.

Ø Marion Paoletti  précise que le travail de député est une fonction différente de celle de maire par exemple et qu’un député, dont la mission essentielle est d’examiner les lois (tache qui demande beaucoup de temps) est également présent sur le terrain et auprès de ces concitoyens à travers ses permanences et sa présence en circonscription. Mais cela est possible s’il ne cumule pas avec une autre fonction.

- Edwige Langevin : en comparaison avec les autres institutions parlementaires européennes, l’absentéisme et le cumul des mandats sont ils sanctionnés ?

Ø Olivier Rozenberg : si en France environ 13% des députes ne cumulent pas, dans les autre pays d'Europe c'est environ 13% des députés qui cumulent!!!!Cette différence de chiffre s’explique par une culture politique différente, en non par un dispositif législatif ou réglementaire particulier : il n'y a pas de loi anti cumul dans ces pays !

- Max Pierre Fanfan : qu’en est- il de la diversité et plus largement d’une représentation à l’image de la société française ?

Ø Olivier Rozenberg indique que si le tableau exposé semble assez terne, la progression du nombre de femmes par exemple est un signe en ce sens.

 

Conclusion :

Maxime remercie les intervenants et le public présent et invite chacun à exercer ses obligations citoyennes à toutes les occasions :

-  en votant aux prochaines élections européennes ;

-  en s’intéressant à la vie politique nationale locale ;

-  et en participant à la vie des partis politiques quels qu’ils soient, car le vote des militants donne la possibilité de peser sur le choix  des candidats aux élections, et soutenir les non cumulants !

Publié dans ACTUALITES

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